Reconnaitre un vécu difficile d'accouchement ou un accouchement traumatique
- Marsura Stéphanie
- 24 nov.
- 5 min de lecture
Dernière mise à jour : il y a 2 jours

Chaque accouchement est unique.
Reconnaitre la diversité du vécu des femmes ouvre une porte pour considérer celles qui ont un sentiment d'avoir mal vécu leur accouchement, et celles qui traversent suite à cela des difficultés diverses.
De l'accouchement vécu comme difficile à l'accouchement qui laisse un traumatisme nous allons tenter ici d'apporter des éléments vous permettant de mieux vous repérer.
Le trauma fait partie de la vie. Mais au final c'est quoi ?
C'est l'impact dans notre corps, dans notre système Corps/Esprit tout entier même, d’événements qui ont dépassés notre capacité d'adaptation. Notre système nerveux a réagit alors en gelant nos réactions de survie de fuite et d'attaque, en amenant une forme de dissociation (des plus légères au plus profondes) pour traverser tant bien que mal ces événements.
Il y a 1000 raisons en périnatal pour vivre un événement ou une accumulation d'événements qui peuvent laisser des traumas. Rien qu'au cours d'un accouchement, beaucoup de traumas périnataux proviennent de situations où la mère a eu peur pour sa vie et/ou celle de son enfant, de situations où elle n'a pas eu le temps de s'adapter, ou de situations où elle a été entravée d'une manière ou d'une autre (même si c'était pour 'son bien et sa santé ou celle de son enfant ' car le système nerveux ne fait pas cette nuance, par exemple elle :
ne pouvait pas se déplacer,
ne pouvait pas choisir,
ne pouvait pas se défendre,
ou n’a pas pu “finir” une réponse instinctive entravée
Toutes ces situations peuvent amener le systèmes nerveux à se figer.
Dans certains cas, une représentation 'restreinte de l'accouchement souhaité', 'normal' ou 'réussi' peut réduire la capacité d’adaptation et favoriser un vécu traumatique lorsque la réalité diverge.
Une femme témoigne * : « J’avais l’impression qu’il n’y avait qu’une bonne façon d’avoir un bébé… j’étais tellement absorbée par cette vision. » « Quand les choses ont commencé à déraper, j’ai eu beaucoup de mal à m’adapter. »
Une autre ajoute : « Si je n’avais pas eu en tête comment ça aurait dû se passer, je n’aurais pas eu l’impression que c’était un échec. »
Ainsi, des représentations et des attentes qui laissent peu de place à l'imprévu peuvent rendre l’écart entre l’imaginé et le vécu particulièrement douloureux. Ces représentations et ces attentes se construisent avec tout un système qui vient de notre culture, les personnes qui nous entourent, notre histoire personnelle aussi.
Discerner les manifestations d'un trauma périnatal
Une sensation de 'malaise', de la colère, une sensation d'avoir mal vécu son accouchement, de ne pas accepter ce qui s'est passé, une sensation d'échec, n'est pas une indication de trauma mais peut mériter d'en parler et d'être accompagné pour mieux intégrer ces événements et retrouver une forme de disponibilité.
Dans d'autres cas, après l'accouchement le système nerveux de la personne qui a vécu de l'impuissance et un grand sentiment de danger peut rester figé. En effet même si ce danger est passé, notre corps et notre système nerveux peuvent avoir du mal à réaliser et à intégrer que Maintenant tout va bien, ou que ce danger là (vécu pendant l'accouchement) est passé. Le figement dure plus que nécessaire. C'est ça le traumatisme (selon la Somatic Experiencing)*. Et cela peut avoir des conséquences difficiles à vivre pour la jeune mère.
Et lorsque le trauma s’installe les femmes peuvent vivre (liste non exhaustive) * :
des flash back avec des images, des sensations intrusives de leur accouchement, avec le sentiments de revivre les événements
des cauchemars
des réactions disproportionnées en apparences lorsqu'un éléments rappelle l'accouchement (période de la journée, lieux, ...)
des réactions physiques intenses (sueurs, rythme cardiaque accéléré)
des stratégies d'évitements (éviter d'en parler, éviter les lieux, les personnes...)
amnésie partielle
sentiment d'être à coté de soi, déconnecté de son corps
hypervigilance, grande tension physique, nerveuse
anxiété, grand état de stress
difficulté de sommeil
perte de sens, perte d’intérêt
sentiment de culpabilité , de honte
Reconnaitre qu'on est concernée
C'est difficile souvent de reconnaitre ces traumas périnataux car ils sont encore plutôt mal accompagnés *.
D'autre part la naissance reste dans l'inconscient collectif un événement 'devant' être positif. Si au final la maman et le bébé sont en vie ( et en suffisamment bonne santé) le réflexe de l'entourage peut être de valoriser cela et d'éluder un peu vite le vécu réel notamment de la mère.
Elle peut, elle, sentir qu'elle a laissé une partie d'elle dans cet accouchement, que quelque chose n'est pas ok, qu'elle n'est plus la même.
C'est d'autant plus difficile à discerner que si c'est son 1er enfant elle peut confondre ce sentiment avec la maternité elle-même. 'C'est finalement peut-être le fait d'être mère, les nouvelles responsabilités, le babyblues...qui me fait cela? '
Pourtant le trauma va être différent: flash back, anxiété prononcée, hypervigilance.... Il n'est pas du à la chute d'hormones lors de l'accouchement mais bien au fait que le système nerveux a été dépassé et qu'il y a eu une perception de grand danger.
Si vous vous sentez concernée vous pouvez en parler à votre sage-femme, votre gynécologue, votre médecin traitant ou à l'équipe médicale qui vous a accompagnée lors de votre accouchement pour être orientée au besoin vers une prise en charge adéquat.
Quelles pistes d'accompagnement pour un accouchement traumatique ?
Trouver un espace d'écoute professionnel et formé à l'accompagnement des traumatismes périnataux ou/et médicaux peut être une clef, car votre vécu à besoin d'être reconnu et accompagné dans sa spécificité.
Dans l'accompagnement des trauma périnatal et médicaux il existe aujourd'hui des approches incluant le corps, comme la Somatic Experiencing (voir article de blog) qui permettent notamment :
de libérer les énergies de survie restée figée (fuite attaque) lors de l'accouchement
de redonner à la mère un sentiment de choix, de compétence, de puissance personnelle.
• de travailler sur les limites corporelles ce qui est particulièrement utile après un accouchement vécu comme envahissant ou non respecté.
Ceci a un effet positif sur la régulation du système nerveux et donc notamment sur la capacité d'être en lien avec soi, ses sensations, et en lien avec son entourage (notamment avec le bébé). Cela a aussi des effets sur la capacité à se détendre, et sortir de l'hypervigilence et l'anxiété.
*Références :
Article d'Amanda Ruggeri, Reporter BBC
Entrevue de Fabrice Midal et Michel Schittecatte, https://www.youtube.com/watch?v=0zQjLy-f_Dg
la listes de manifestations pouvant accompagner ou signer un traumatisme est indicative et ne peut constituer un diagnostic. Celui-ci ne peut être posé que par un médecin ou médecin psychiatre. C'est la CIM-11 qui traite du trouble de stress post-traumatique et permet de classer les maladies et définie des critères pour les diagnostics.
'les traumas périnataux ... sont encore plutôt mal accompagnés' : éléments tirés des conclusions d'une étude de 2021, portant sur 18 pays Européens. Policy, service, and training provision for women following a traumatic birth: an international knowledge mapping exercise, Gill Thomson, Magali Quillet Diop, Suzannah Stuijfzand, Antje Horsch (disponible ici).
